Le baptême au
début de l’Eglise
Le Christ voulant faire connaître la nature de son royaume adressa à Nicodème ces paroles significatives : "A moins que quelqu'un ne soit né de
nouveau, il ne peut voir le Royaume
de Dieu". Puis, il ajouta comme
explication : En vérité, en vérité,
je le te dis, à moins que quelqu'un ne soit né d'eau et d'esprit, il ne peut entrer dans le Royaume de Dieu ; car ce qui est né de la
chair est chair et ce qui est né de l'Esprit
est esprit (Jean 3-6).
Depuis quelques siècles, la doctrine chrétienne qui définit les églises visibles comme des institutions établies par le Seigneur
Jésus-Christ, destinées à recevoir par l'acte de
l'immersion — condition préalable d'admission dans
l'Eglise, selon la pratique apostolique — tous ceux qui professent publiquement leur foi au Père, au Fils et au Saint-Esprit,
cette doctrine, disons-nous, s'est répandue
de plus en plus.
Que des
ablutions partielles ou totales, que des
baptêmes divers fussent familiers aux Juifs,
nous l'accordons (Lévitique 14, 1-8 ; Hébreux 9, 10), mais il
n'est pas moins vrai que celui qui fut
inauguré par Jean lui valut son nom (Jean-Baptiste). En effet, il n'est pas prouvé que le
baptême fut le mode ordinaire de l'introduction des prosélytes dans la Religion Juive
car, le plus ancien témoignage en faveur de
ce mode d'initiation ne se trouve ni dans Philon, ni dans
Josèphe, mais dans la Guémara de Babylone (Schamoth 46, 2), après la ruine de Jérusalem par les Romains.
Aussi, «cette
cérémonie» que le Sanhédrin, autorité suprême en matière
religieuse, n'avait ni introduite, ni sanctionnée, était quelque chose d'absolument insolite. Israël
n'était-il pas le peuple de la tradition et de la loi ?
Jean (Baptiste) prenait donc, par cette innovation, le
rôle, non d'un docteur mais d'un envoyé immédiat de
Dieu.
Les foules accourues au désert à la voix du Prédicateur comprirent si bien l'idée
de repentance et de conversion, représentée
par cet acte symbolique, qu'un grand nombre, se
reconnaissant pécheurs, se fit plonger par lui dans les
eaux du Jourdain, confessant leurs péchés tandis que, les gens à propre justice, tels que les Pharisiens et les Légistes, refusèrent
d'être baptisés (Marc I, 5 ; Luc 7, 29).
Mais le couronnement de ce ministère fut le baptême de Celui dont Jean était venu
annoncer et préparer la
venue. De Celui dont il n'était que l'humble serviteur, de Celui qu’il était appelé à présenter comme l'Agneau de Dieu
qui ôte les péchés du monde, destiné, Lui, le Saint et le Juste, à être traité comme un pécheur !
Ce symbole devint ainsi le point de départ d'une ère nouvelle : il inaugura le ministère de Jésus ; il fut la manifestation du
Roi à Israël (Jean I, 31).
Au reste, pour ne s'être pas attachés à Jésus comme au Christ à qui leur maître avait
rendu un témoignage constant et désintéressé, quelques-uns
des disciples de Jean-Baptiste se mirent en opposition avec l'Eglise et formèrent une secte
qui se propagea en Asie sous le nom
d'Hémérobaptistes et dont les Sabéens ou
Mandéens sont, de nos jours, les derniers représentants.
Nous ne nous
arrêterons pas davantage au baptême de Jésus et à l'onction royale du
Saint-Esprit qu'Il reçut après cet acte d'obéissance
et d'humiliation. Ne faisant pas de
la dogmatique mais de l'histoire, nous
ne nous arrêterons pas et nous nous bornerons
à constater que le baptême est le
signe extérieur qui distingue le
Christianisme du Judaïsme légal aussi
bien que du Paganisme ; car, si c'est
par la circoncision que les enfants mâles
étaient reçus à l'âge de huit jours aux
privilèges de l'Alliance Mosaïque en vertu de leur droit de naissance, sous peine d'être détruits, c'est par un signe nouveau, le baptême, que le régénéré est admis aux privilèges de l'Alliance Nouvelle, en vertu de sa foi personnelle en Jésus-Christ (Galates 3,
26).
La portée universelle de la religion nouvelle repose sur l'ordre du Seigneur Jésus
: «Allez, faites disciples toutes les nations
», c'est-à-dire les Païens aussi bien que les Juifs, amenez-les
à la foi en Christ : «Prêchez l'Evangile à toute
créature».
Cet ordre est le renversement de toutes les barrières, de toutes les religions nationales
et c'est sur ce même ordre que repose aussi l'individualisme le plus absolu :
«Baptisez-les»
ces disciples — ou plongez-les
individuellement — «au nom du Père,
du Fils et du Saint-Esprit» (Matthieu 28, 19).
Appliqué aux disciples, cet ordre se traduit en ces termes : «Celui qui croira et
sera baptisé, sera sauvé, mais celui qui ne
croira pas, sera condamné» (Marc XVI, 16).
Telle est la méthode ordonnée par le Seigneur Jésus pour être en vigueur «jusqu'à la
fin du monde» (Matthieu 28, 20), c'est-à-dire jusqu'à la
fin de l'ère actuelle.
C'est cette méthode que suivirent les apôtres de Jésus-Christ, entre autres, Pierre,
à la Pentecôte, le jour de la manifestation
de l'Eglise car il pose la conversion ou la repentance
comme condition du baptême, symbole de la rémission des péchés et, si la promesse du Saint-Esprit,
faite par la bouche de Joël aux Israélites et à leurs
enfants, s'est réalisée, ce n'est que pour «ceux qui reçurent sa parole avec joie et qui furent baptisés»
(Actes 2, 38).
Bien loin de
se confondre à leurs débuts avec les Juifs
incrédules, les croyants furent appelés à rompre
immédiatement avec le monde, à «se séparer de cette race
perverse» et c'est dans le baptême que s'opéra cette crise.
Epris d'un saint idéal ou plutôt pénétrés
d'une sainte réalité qui est le Seigneur
Jésus, ils se constituèrent sous l'action de l'Esprit-Saint, en Eglise, c'est-à-dire en Société
de fidèles.
Ainsi s'organisa la première église locale qui servit de type et de modèle à d'autres. C'est dans chaque
maison, comme chaque jour, en tous temps et en tous lieux que s'assemblaient les disciples
pour rompre le pain et célébrer la Cène du Seigneur.
Cette organisation, qui fut le point de départ d'un développement normal et continu,
ne s'établit pas sans lutte ni conflit et la tentative, faite par les Pharisiens pour gagner
l'Eglise à leurs idées, amena une rupture
définitive en même temps que la solution de la question de
l'admission des Gentils (ou Païens) sans passer par
la filière du judaïsme légal.
L'histoire des origines de l'Eglise se trouvant dans le
récit des Actes ou second ouvrage de Luc, nous n'avons
pas à la refaire. Nous nous bornerons à constater que la méthode suivie par Pierre avec
les Juifs le fut aussi par ce même apôtre avec
les Gentils (les Païens) et par Philippe avec les
Samaritains. Il fallait changer de dispositions et
croire au Seigneur Jésus pour être baptisé et
ajouté à l'Eglise. «Lorsqu'ils eurent cru Philippe annonçant ce qui regarde le Royaume de
Dieu et le nom de Jésus-Christ, ils se firent baptiser,
hommes et femmes» (Actes 8, 12).
Nulle part il n'est question
de nourrissons car la repentance personnelle est la première condition d'admission. L'introduction de faux
frères, d'hypocrites, de menteurs, de gens peu
droits, tels que Simon, qui tout en croyant aussi,
était retenu dans un fiel d'amertume et dans un lien d'injustice,
était sans doute inévitable, vu l'imperfection
de toutes choses ici-bas mais, quand
ces gens-là étaient découverts, on les traitait comme des intrus et on leur déclarait qu'il n'y avait pour eux "ni part, ni lot dans cette affaire"
(Actes 8, 20). Leur présence dans
l'Eglise était une exception qui,
lorsqu'elle se découvrait, ne servait qu'à confirmer la règle.
Au reste la
coexistence de la circoncision et du baptême chez les
Judéo‑chrétiens suffit pour écarter, au point de vue historique, le baptême des enfants, considéré comme remplaçant la circoncision car, si
les chrétiens d'origine juive avaient considéré le baptême
comme l'équivalent de la circoncision, ils
n'auraient pas essayé d'imposer celle-ci aux chrétiens d'entre les Gentils et, si les apôtres
eux-mêmes avaient considéré le baptême comme remplaçant la
circoncision, ils l'eussent déclaré lorsque
Paul et Barnabas vinrent pour conférer avec eux au sujet de la circoncision des Gentils
(Actes 15).
Cette simple
déclaration : le baptême a remplacé la circoncision pour les Gentils comme pour nous, pour leurs
enfants comme pour les nôtres, aurait coupé
court à toutes les récriminations des ritualistes de l'époque. Mais, ni Jacques, ni Pierre, qui le premier avait fait baptiser des Gentils (Corneille et les siens,
après qu'ils eurent reçu le don du Saint-Esprit,
sans leur imposer le signe de l'Ancienne Alliance), ni aucun autre des apôtres, ni des anciens, ne songent à faire cette remarque si à propos et si péremptoire au cas où le baptême aurait réellement remplacé la circoncision.
D'accord avec
les autres apôtres, Paul, l'apôtre des Gentils, commençait aussi partout la prédication de l'Evangile ; il déclare
positivement qu'il n'a pas été envoyé pour baptiser mais pour annoncer l'Evangile (1
Corinthiens 1, 17).
Partout où il allait, il prêchait Christ, faisant des disciples et «ceux qui croyaient
étaient baptisés» par ses compagnons (Actes 18, 8). N'ayant pas à traiter le baptême au point de vue dogmatique, nous renvoyons nos
lecteurs au Nouveau Testament. Ils y verront le baptême des croyants, soit dans l'ordre du
Seigneur Jésus, soit dans la pratique de ses serviteurs, sans découvrir
aucune exception en faveur des nourrissons,
ni tirer du silence des Ecritures sur
ce sujet aucune conclusion probante en
faveur de leur baptême s'ils
examinent les faits avec impartialité.
Dans les
problèmes difficiles que l'histoire offre souvent, il est bon de demander aux termes
de la langue tous les enseignements
qu'ils peuvent donner. Une institution
est quelquefois expliquée par le mot
qui la désigne. Ces
mots que nous avons l'habitude de
traduire par baptême de
familles, ne désignent nullement
le plongement de nouveau-nés car oïkos
(maison) ne présente à l'esprit
que l'idée de propriété et de
domicile. La vraie signification du
mot familia est propriété ; il
désigne le champ, la maison, l'argent,
les esclaves.
Ni l'un ni
l'autre de ces termes ne contiennent en lui le
sens de génération ou de parenté». Ce n'est qu'à
titre de propriété que la femme et les enfants y
sont quelquefois compris.
Que conclure, par exemple, de ces mots : «J'ai baptisé la maison (ou la famille) de Stéphanas» (1
Corinthiens 1, 16). Y avait-il des nouveau-nés ? Nullement, car les membres de cette famille sont les «prémices de l'Achaïe», les premiers-nés, selon l'esprit dans cette Province et il est dit d'eux, peu de temps après
leur conversion, qu'ils se sont mis immédiatement
«au service des saints» (1 Corinthiens 16, 15).
Et quant à la maison de Lydie, cette femme venue de Thyatire pour son commerce de pourpre jusqu'à Philippes
où elle était aussi étrangère que Paul lui-même, et dont nous ne savons même pas si elle
avait jamais été mariée, il faut vraiment
avoir bien besoin de nourrissons à baptiser pour aller les
chercher dans l'oratoire prés du fleuve Strymon.
A en juger par (Actes 16, 40) où ceux de la maison de Lydie sont appelés «les frères»,
sa maison se composait, sans doute, de ses domestiques et de
ses employés de commerce.
Nous pensons
qu'il est inutile de nous arrêter aux autres maisons ou familles, baptisées dont il est fait mention dans les
Écritures, attendu qu'à leur égard, il est expressément rapporté que les membres de ces familles ont été baptisés après avoir cru ; mais si l'on ne peut rien inférer
du silence des Ecritures en faveur du baptême des
nourrissons, il est un cas où le silence de l'apôtre Paul est significatif contre ce baptême.
C'est le
passage de (1 Corinthiens 7, 14), où, après avoir dit que le mari
incroyant est sanctifié par la femme croyante
et la femme incroyante est sanctifiée
par son mari croyant, il ajoute :
«Autrement vos enfants seraient impurs
tandis que maintenant ils sont saints».
D'abord il faut observer qu'il s'agit ici, non seulement d'enfants appartenant à des
familles mixtes (croyant et non croyant), mais en général des enfants des croyants : «vos enfants»,
à vous chrétiens de Corinthe puis, ensuite, que ces enfants n'étaient ni croyants, ni baptisés car s'ils eussent été l'un ou l'autre, l'argument perdrait toute sa force puisque, étant saints par la foi ou par le baptême, ils ne pourraient servir de preuve que le mari incroyant et, par conséquent, non baptisé et la femme incroyante et non baptisée, peuvent être
sanctifiés par leurs conjoints croyants
avant d'avoir cru et d'avoir été baptisés eux-mêmes.
D'autre part, si l'on prétendait inférer de la sainteté des enfants incroyants, petits
ou grands, leur droit au baptême, on serait
obligé de conclure de même pour les conjoints incroyants.
De toute manière donc, sauf pour les partisans d'un opus operatum absolu, ce passage se présente comme une preuve historique de la
non-existence du baptême des nourrissons et du baptême des
incroyants en général à l'époque apostolique.
La vérité historique a, d'ailleurs, arraché, à plusieurs auteurs partisans du baptême des enfants des aveux significatifs, soit pour le fond, soit pour la forme, leurs préjugés dogmatiques.
Jacobi, professeur à l'Université de Berlin dit en substance : «Le baptême des
enfants n'a été établi ni par le Christ, ni par les
apôtres. Partout où il est parlé de la nécessité du rite baptismal,
soit dogmatiquement, soit historiquement, il
est évident que ce n'est que pour
ceux qui étaient en état de
comprendre la parole prêchée et de se
convertir à Christ par un acte volontaire».
Néander,
célèbre historien ecclésiastique dit : «Il est certain que
Christ n'a pas institué le baptême des enfants. Il
est, pour le moins, impossible de prouver que les apôtres aient institué ce baptême».
Quant
à la forme du baptême, voici le témoignage du
doyen Stanley, de Westminster, mort
en 1881 : «Il est incontestable que
la forme originaire du baptême, le
sens du mot, était une immersion
complète dans les profondes eaux baptismales
; et que, pendant quatre siècles, au
moins, toute autre forme fut, ou inconnue ou regardée, sauf des cas de maladie mortelle, comme une exception.
Le témoignage unanime des Réformateurs et des Auteurs catholiques-romains est
résumé comme suit par Bossuet : «C'est un
fait constamment avoué dans la Réforme que le baptême
fut institué en plongeant entièrement le Corps ; que
Jésus-Christ le reçut ainsi et le fit ainsi donner par ses
apôtres ; que l'Ecriture ne connaît point d'autre
baptême que celui-là ; que l'antiquité l'entendit et le pratiqua ainsi ; que le mot
même l'emporte et que baptiser, c'est
plonger. Ce fait est avoué unanimement par tous
les théologiens de la Réforme et par ceux-là mêmes qui
savaient le mieux la langue grecque et les
anciennes coutumes, tant des Juifs que des chrétiens (Luther, Mélanchton, Calvin, Grotius,
etc.)». Luther a même fait remarquer que le baptême est appelé
Taufe (qui vient de Tiefe, profondeur),
parce qu'on plongeait dans les eaux ceux qu'on baptisait.
Enfin, E.
Picard, dans l'Encyclopédie des Sciences religieuses, écrit
: «Ceux qui sont revenus naturellement au baptême par immersion n'avaient aucune raison de le
remplacer par un autre rite dont l'histoire ne fournit pas
d'exemple. Les éléments de la doctrine se
retrouvent tout le long de l'histoire de l'Eglise
; le baptême des enfants ne s'y introduisit pas sans
peine et le rite de l'immersion a été la coutume générale
jusqu'au treizième siècle».
Amseyer
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