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    ECRITS D'ANCIENS

     

    UNE PASSIONNANTE HISTOIRE

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    Le Pays de Vaud dès le début de l'ère chrétienne s'ouvrit à la religion nouvelle. Il faisait alors partie de l'Empire romain et un évêque résidait à Avenches. En 550, après la destruction de cette capitale, l'évêque vint à Lausanne. Le premier connu, Saint-Maire, y résidait en 574. Il en fut de même durant près de mille ans pour ses 52 successeurs ! Parmi ceux-ci, Guillaume de Champvent eut l'honneur, le 20 octobre 1275, de recevoir dans sa ville épiscopale le Pape Grégoire X venu célébrer avec l'Empereur Rodolphe de Habsbourg la dédicace de la cathédrale.

    En 1536, les Bernois, qui avaient adopté la Réforme en 1521, firent la conquête de notre Pays. Le 19 octobre 1536 déjà, ils ordonnaient la suppression de la messe, l'interdiction complète du culte catholique. Selon les lois de l'époque, en pays catholique comme en pays protestant, aucun culte ne pouvait être célébré autre que celui du Souverain. Le Pays changea de religion quand changea le régime politique. Il resta profondément chrétien, fidèle au Christ, à l'Evangile prêché dès lors par les Réformateurs et leurs successeurs.
     
    Cependant, vestige d'une très faible résistance, dans le Gros de Vaud, 10 communes restèrent catholiques. Cette situation dura 250 ans, jusqu'à la Révolution française dont l'influence allait modifier profondément nos structures.Le 24 janvier 1798 l'indépendance fut proclamée, le vent de la liberté - elle n'était plus un rêve - soufflait impétueusement. Il ne bouleversa pas tout pourtant. La brouette d'Echallens ne roulait pas encore mais déjà chez nous tout allait tout dou... tout doucement. En 1803, le pays libéré entra dans la Confédération helvétique. L'histoire du canton de Vaud commençait; en 1814 sa constitution reconnut et garantit la situation religieuse des 10 communes du district d'Echallens.
    Presque sourd
    Les bouleversements de l'époque avaient amené des catholiques du dehors; émigrés politiques, travailleurs, touristes. Beaucoup s'étaient installés, avaient fondé leur famille. Ils étaient disséminés dans tout le canton. Plus nombreux à Lausanne, les catholiques purent bénéficier du ministère d'un prêtre. Ce dernier n'était pas dangereux car, disait le décret le concernant, il s'agissait d'un prêtre "presque sourd, ayant la vue basse et peu aisé" !En 1810, l'existence des catholiques fut reconnue. Une loi fut votée "sur l'exercice de l'une des deux Religions, dans une Commune où cette Religion n'est pas actuellement établie". Elle est restée en vigueur durant 160 ans, jusqu'en 1970 ! 

    Au début, son application ne fut point aisée, Elle précisait, par exemple, que les catholiques devaient demander une autorisation pour ouvrir un lieu de culte, pour construire une église qui devait alors être sans clocher, sans aucun signe extérieur indiquant sa destination. A Nyon, cette autorisation ne fut pas facile à obtenir : la Municipalité était d'accord, le Petit Conseil (Conseil d'Etat) ne l'était pas. Il y eut recours.Il fut accepté.

    Les représentants de la communauté catholique reçurent lapermission de célébrer leur culte. Mais il s'agissait d'une autorisation provisoire et il était précisé que "la clé du local dans laquelle la messe était célébrée doit être demandée et rendue chaque fois au syndic" !!! L'église de Nyon fut inaugurée en 1837 après de multiples péripéties. Toutes les chroniques de l'époque sont pleines d'événements de tous genres. Mais l'élan était donné : des paroisses étaient constituées, des écoles fondées, des églises construites. Ce fut d'abord celle de Notre-Dame de Lausanne, en 1835, puis celles d'Yverdon, de Morges, de Vevey, d'Aigle, de Montreux, de Rolle...

    Progressivement, l'application de la loi de 1810 s'assouplit, l'interdiction des cloches et des signes extérieurs fut abrogée en 1878, en application de la Constitution fédérale de 1874 qui garantit la liberté religieuse sur tout le territoire de la Confédération. L'élan se poursuivit : des communautés s'organisèrent, à Vallorbe, au Brassus, à Bex, à Moudon, à Payerne,à Renens, puis dans toutes les localités d'une certaine importance. Actuellement, il y en a 67 !Préoccupation lancinante


    En 1803, les catholiques représentaient le 2 % de la population totale, en 1900 le 13%, en 1950 le 20 %, en 1970 le 37 %, en 1983 le 39,3 %, en 2000 le 45,4 %. Ce n'est pas le résultat d'une lutte d'influence ou d'un prosélytisme déplacé. C'est celui de l'évolution démographique, du passage des populations propre à l'ère moderne, qui obligent non sans peine parfois às'accepter différents.

    Des relations s'établissent entres les paroissesréformées et les paroisses catholiques. La tolérance et mieux encore l'œcuménisme deviennent la préoccupation lancinante de tous les chrétiens fervents, la paix confessionnelle règne. Cette dernière est due, en partie, à l'influence d'hommes de valeur, protestants et catholiques, parmi lesquels un Vaudois : Mgr Marius Besson, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg. Ses directives, son activité, son enseignement, ses publications célèbrent l'entente, le respect mutuel. Dans son livre "Après 400 ans"... il écrit à Félicien, jeune étudiant originaire d'un de nos villages, futur prêtre...

    ..."Oui, Félicien, aime ce beau canton de Vaud privilégié de la Providence; ne passe pas un jour sans le recommander à la bonté divine et sans prier en particulier pour ceux qui le gouvernent... Aime ton pays Félicien, conserve le culte de nos institutions nationales, elles nous conviennent. Oriente chaque détail de ta vie de séminariste vers ce but : faire connaître, aimer et servir Dieu dans l'incomparable patrie qu'Il a bien voulu nous donner. Tu n'oublieras jamais que cette chère patrie si vraiment une sous tant de rapports, ne l'est point dans l'ordre religieux. Au Maître qui veut la paix et la charité, tu demanderas la grâce d'être un actif partisan de l'union. Tu t'y prépareras, Félicien, non pas en t'exerçant à la polémique : la polémique est rarement utile chez nous, mais en te pénétrant de l'esprit de l'Evangile"...
    Dire leur mot
    L'activité pastorale des paroisses se réalise (en dehors du culte, des catéchismes, des sacrements) à partir de nombreux mouvements d'apostolat destinés aux enfants, aux jeunes, aux adultes. Il y a des cercles d'hommes, des Unions féminines, des activités sociales et charitables. Un lien les unit par la fondation, en 1905, de la Fédération catholique vaudoise qui fut présidée, entre autre, par M. Maxime Reymond, journaliste, archiviste cantonal, député, par M. André Robichon, avocat, président du Grand Conseil...
    Alors, la structure de l'Eglise repose avant tout sur les clercs. Ce qui n'empêche pas des laïcs de dire leur mot dans les Conseils de paroisse nommés par les fidèles réunis en assemblée générale, conseils qui décident des finances. Les curés sont présidents, leur influence est prépondérante. Une faible structure cléricale les réunit, le décanat de St-Amédée.

    Un malaise règne cependant au sein de la Communauté catholique. Il est double :
    La loi de 1810 quoique dépassée, est toujours en vigueur. L'Eglise officielle étant nationale, les catholiques ont l'impression d'être mal intégrés, d'être des citoyens de seconde cuvée. Ils ont le désir d'une reconnaissance juridique.Les charges financières de l'Eglise deviennent écrasantes. Tout repose sur les fidèles, aidés par un organisme suisse d'entraide : les Missions Intérieures. L'Etat prélève chez tous les impôts qui alimentent le budget des cultes mais seule la religion officielle est concernée. Les contribuables catholiques payent deux fois puisque, en plus de l'impôt, ils doivent assurer la subsistance de leur clergé, la construction et l'entretien des églises, des cures, des locaux paroissiaux, de leurs écoles, de leurs activités charitables. Les dettes des paroisses augmentent (près de 20 millions en 1970). C'est lourd et c'est injuste.
    Les premières initiatives pour remédier à cette situation commencent en 1951 par l'envoi d'un Mémoire au chef du Département de l'Instruction Publique et des Cultes. Ce sont les prêtres réunis à Ouchy qui ont décidé cette démarche. Les pourparlers aboutissent en 1970... il est ici urgent d'attendre, disait avec humour M. Robichon... Ce n'est pas le lieu de décrire les multiples solutions proposées. La plus importante fut refusée,à l'unanimité par les délégués de toutes les paroisses catholiques vaudoises. Ceci en 1963, au Valentin, à Lausanne. C'est alors que fut
     décidée, en accord avec l'évêque du diocèse, Mgr François Charrière (il avait jusqu'ici conduit pratiquement seul les pourparlers avec M. Oguey, Conseiller d'Etat), la fondation d'une Fédération des paroisses catholiques du canton. Elle est née en 1964. C'est la Fédération qui va conduire alors les tractations avec l'Etat pour obtenir la reconnaissance officielle de la religion catholique et, par conséquent, la légitimité de son financement. Ces contacts aboutissent à la proposition d'une modification constitutionnelle et d'une loi nouvelle. Les projets en ont ét é acceptés,à l'unanimité, le 9 octobre 1969 par le Synode de l'Eglise évangélique réformée et par la Fédération des paroisses catholiques. Le 10 mars 1970, une votation populaire a confirmé cette situation par 39'006 oui contre 32'491 non ! Dans la nouvelle loi du 16 février 1970, l'article essentiel est celui-ci "L'Eglise catholique règle librement tout ce qui est du domaine spirituel. Elle s'administre elle-même".
    Quant aux contributions financières des pouvoirs publics, il n'a pas été possible de les faire allouer en bloc à la Fédération des paroisses. Par similitude avec la situation de l'Eglise réformée, le traitement des prêtres nommés par l'évêque et désignés par la Fédération a ét é garanti. Le nombre des prêtres ayant droit au traitement d'Etat est fixé en tenant compte du pourcentage de la population catholique par rapport à la population protestante. Si, par exemple, le nombre de catholiques représente 70 % du nombre des protestants, l'Etat rétribuera les prêtres selon ce même pourcentage, soit 70 % du nombre de pasteurs percevant le traitement de l'Etat. Ces prêtres rétribués ne sont cependant pas soumis au statut cantonal des fonctionnaires.
    Avant le vote, la Fédération des paroisses annonça la création d'une caisse de péréquation acceptée par tous les prêtres. Ces derniers rétrocèdent leur salaire à la caisse centrale, ils n'en reçoivent qu'une partie, la Fédération disposant du reste pour des tâches d'ensemble : écoles, catéchèse, Caritas, etc... Les Communes ont à l'égard des paroisses catholiques les mêmes obligations qu' à l'égard des paroisses réformées. Les comptes de la Fédération établis chaque année sont à la disposition de chacun.

    Et maintenant !
    La face du Monde se modifie à vive allure, le Concile Vatican II a modifié le visage de l'Eglise. Elle devient toujours plus le Peuple de Dieu et tous les membres en portent la responsabilité. Elle est appelée à faire preuve de créativité afin que son langage, ses méthodes, son rôle soient pleinement au service des hommes d'aujourd'hui. Chez nous, comme ailleurs, elle s'efforce d'être plus fidèle à l'Evangile car plus que jamais l'homme, s'il en vit, ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Tous les chrétiens, même s'ils ne comprennent pas cette Parole de la même manière, ont la responsabilité d'en vivre et d'en témoigner. En particulier en s'insérant dans les multiples combats pour davantage de justice dans le monde. Une nouvelle Constitution vaudoise est entrée en vigueur le 14 avril 2003.Le domaine du droit ecclésiastique est profondément touché. La nouvelle Constitution modifie le statut des deux Eglises actuellement reconnues, l'Eglise évangélique réformée et l'Eglise catholique romaine, mises désormais sur pied d'égalité.De nouvelles lois sont en préparation.
    (Extrait de l'annuaire 1984 de l'Eglise catholique en Pays de Vaud)
     
    (chanoine A. Catto)